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dimanche 27 novembre 2016

DÉMONTER LES MÉCANISMES DE LA THÉORIE DU COMPLOT


Attention, théorie du complot sur la chaussée
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Il suffit de se promener sur la Toile pour constater à quel point les théories du complot envahissent notre espace quotidien. Depuis l’avènement d’Internet, les rumeurs et autres élucubrations maléfiques se répandent dans une sous-culture à laquelle adhèrent des esprits victimes de ce que Boris Cyrulnik appelle « la pensée paresseuse ». Le doute s’immisce à propos de tout, ce qui semble évident est remis en question. Plus c’est transparent, plus c’est douteux.  Il n’y a pas de fumée sans feu. On ne nous dit pas tout…

Comment définir la théorie du complot ?

Une théorie du complot est le récit d’un événement dont on pense qu’il est le fruit d’une conspiration. Cela consiste à interpréter cet événement à la lumière d’un plan concerté et instruit par un groupe, une société secrète ou un gouvernement dans le but de nuire et de contrôler la société.



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Le philosophe, politologue et historien des idées, Pierre-André Taguieff, propose la définition suivante :

« L’expression « théorie du complot » est passée dans le vocabulaire courant, mais elle n’en reste pas moins critiquable. C’est pourquoi je l’emploie en la mettant entre guillemets. Rappelons tout d’abord qu’on entend ordinairement par « théories du complot » (conspiracy theories) les explications naïves – ou supposées telles -, s’opposant en général aux thèses officiellement soutenues, qui mettent en scène un groupe ou plusieurs groupes agissant dans l’ombre ou en secret, les conspirateurs étant accusés d’être à l’origine des événements négatifs ou troublants dotés d’une signification sociale - de la catastrophe naturelle dénoncée comme non naturelle à la mort accidentelle, jugée comme telle douteuse, d’un personnage célèbre, en passant par les assassinats politiques, les révolutions sanglantes et les attentats terroristes. »

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Raphaël Enthoven, agrégé de philosophie et chroniqueur à Europe 1, souligne avec un brin d’humour la spécificité de cette entreprise nocive :

« C’est un système déguisé en enquête : l’inspecteur Gadget qui se prend pour Columbo. »

La théorie du complot repose sur une supercherie dans la mesure où elle s’affiche comme scientifique alors qu’elle ne repose que sur des affirmations péremptoires dénuées de fondement. Elle sème le trouble car elle s’appuie sur la vérité pour la détourner. En agrégeant vérité et mensonge, elle est d’une redoutable efficacité.

Le complot



La mort de César, Karl von Piloty, 1865
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Le dictionnaire Le Robert le définit ainsi : « Un projet concerté secrètement contre la vie, la sûreté de quelqu’un, contre une institution ».
Un complot ne relève pas du fantasme. L’Histoire compte de nombreux complots qui nous sont familiers. César meurt des mains de Brutus, mais c’est le résultat d’un complot ourdi par un groupe de sénateurs ; Ravaillac, impliqué dans une conspiration catholique, poignarde Henri IV ; Claus von Stauffenberg ne parvient pas à éliminer Hitler le 20 juillet 1944 lors de l’opération Walkyrie. Le terme est d’ailleurs synonyme de conspiration. La Conspiration des poudres est une tentative d’attentat contre le roi James 1er d’Angleterre et le parlement, fomentée par un groupe de catholiques en 1605. La conspiration est une atteinte à l’équilibre de la nation et en cela, elle constitue une menace intolérable provenant d’ennemis de l’intérieur.

La rumeur


Gossip, Norman Rockwell, 1948
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La  rumeur n’est pas qu’un bruit confus, c’est un bruit qui se répand, dont l’origine est inconnue et qui a pour but de nuire. Sa nocivité est comparable à celle des théories du complot, mais elle porte sur un champ plus restreint. Le cas le plus célèbre en France est celui de la rumeur d’Orléans, analysé par Edgar Morin en 1969. On y accusait les commerçants juifs de la ville de kidnapper des clientes afin de les livrer à un réseau de prostitution.

Rumeur et théorie du complot



« À la différence des simples rumeurs, les théories du complot se présentent comme des systèmes de pensée clos, de complexes interprétations du monde. (…) La rumeur est spontanée. Elle n’a rien d’élaboré. Elle est vagabonde. La théorie du complot apparaît a contrario comme un système charpenté, proposant une vision alternative du monde. Il s’agit d’une tentative d’explication globalisante. »

Source : C’est un complot ! Voyage dans la tête des conspirationnistes, Christophe Bourseiller, JCLattès, octobre 2016.


Le fonctionnement de la pensée conspirationniste 
selon Pierre-André Taguieff

1. Rien n’arrive par accident. Rien n’est accidentel ou insensé, ce qui implique une négation du hasard, de la contingence, des coïncidences fortuites. (…) Toute trace de hasard est ainsi éliminée de l’Histoire. Tout s’explique par les complots et les mégacomplots.

2. Tout ce qui arrive est le résultat d’intentions ou de volontés cachées. Plus précisément, d’intentions mauvaises ou de volontés malveillantes, les seules qui intéressent les esprits conspirationnistes, voués à privilégier les événements malheureux : crises, bouleversements, catastrophes, attentats terroristes, assassinats politiques.

3. Rien n’est tel qu’il paraît être. Tout se passe dans les « coulisses » ou les « souterrains » de l’Histoire. Les apparences sont donc toujours trompeuses, elles se réduisent à des mises en scène. La vérité historique est dans la « face cachée » des phénomènes historiques. Dans la perspective conspirationniste, l’historien devient un contre-historien, l’expert un contre-expert ou un alter-expert, un spécialiste des causes invisibles des événements visibles. Il fait du démasquage son opération cognitive principale. Dès lors, l’histoire « officielle » ne peut être qu’une histoire superficielle. (…)

4. Tout est lié ou connecté, mais de façon occulte. « Tout se tient », disent-ils. Derrière tout événement indésirable, on soupçonne un « secret inavouable », ou l’on infère l’existence d’une « ténébreuse alliance ». Les forces qui apparaissent comme contraires ou contradictoires peuvent se révéler fondamentalement unies, sur le mode de la connivence ou de la complicité. (…)

On peut ajouter une cinquième règle, celle de la critique, ainsi formulée par Emmanuelle Danblon et Loïc Nicolas : « Tout doit être minutieusement passé au crible de la critique. » Cette règle peut se formuler par exemple par l’énoncé : « Au début, je n’y croyais pas mais j’ai dû me rendre à l’évidence. » La règle de la critique a pris une grande importance dans les plus récentes « théories du complot », par exemple celles qui consistent à attribuer les attentats du 11 septembre à un «complot gouvernemental». On pourrait appliquer aux «théoriciens» qui traitent du 11 septembre selon la méthode de l’hypercritique la fameuse remarque de Shakespeare : « Il y a beaucoup de méthode dans cette folie. »

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Quelques récits conspirationnistes…

Ils correspondent à des moments de crise (d’ordre social et économique) où les valeurs deviennent indistinctes, où les valeurs négatives et positives se confondent.


La Révolution française


Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Le Barbier, 1789.
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L’idée d’un grand complot subversif est apparue sous une forme élaborée à l’époque de la Révolution française. La vision conspirationniste de l’histoire a pris forme dans la pensée contre-révolutionnaire ou réactionnaire entre 1789 et 1799. Le premier rôle a été joué par l’abbé Augustin de Barruel (1741-1820), qui, dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (1797-1798), a exposé la thèse selon laquelle la Révolution française aurait été le résultat d’un complot maçonnique.

Le principal acteur en aurait été les « Illuminés » de Bavière, ou « Illuminati », dirigés par Adam Weishaupt. Ledit complot maçonnique sera réinterprété ensuite, au cours du XIXe siècle, comme complot judéo-maçonnique dont l’objectif serait la conquête du monde à travers la destruction de la civilisation chrétienne
Les Illuminés de Bavière (ou parfois Illuminati de Bavière) (en allemand Illuminatenorden) furent une une société secrète allemande du 18e siècle qui se réclamait de l'Aufklärung et plus généralement la philosophie des Lumières. 
Fondée le 1er mai 1776 par le philosophe et théologien Adam Weisshaupt à Ingolstadt, elle eut à faire face à des dissensions internes avant d'être interdite par un édit du gouvernement  bavarois en 1785 et de disparaître peu après.
De nombreux mythes et théories du complot ont prétendu que l'ordre survécut à son interdiction et qu'il serait responsable, entre autres, de la Révolution française, de complots contre l'Église catholique romaine ainsi que de la constitution du nouvel ordre mondial. 

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Les Protocoles des Sages de Sion



Ouvrage de la fin du XIXe siècle, les Protocoles constituent un faux antisémite et font état d'une prétendue conférence des leaders du judaïsme mondial complotant de s'emparer des leviers de commande de l'univers, sous le couvert de la démocratie. Œuvre d'une créature de la police secrète russe, les Protocoles s'inspirent d'un pamphlet hostile à Napoléon III, Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu ou la Politique au XIXe siècle. Publié en Russie en 1905, l'ouvrage n'obtint une audience étendue qu'après la Première Guerre mondiale, grâce à l'action des Russes blancs émigrés. 

Traduit en plusieurs langues, il fut diffusé largement, notamment par Henry Ford I, aux États-Unis. En 1934, la communauté juive de Suisse intenta un procès aux distributeurs et démontra la fausseté des Protocoles. La propagande nazie en fit pourtant un usage efficace et s'en servit pour justifier ses plans d'extermination des Juifs. Cet écrit est aujourd'hui abondamment édité dans les pays arabes, où il poursuit une fructueuse carrière. En Europe, une édition espagnole a paru en 1963. L'édition soviétique a donné naissance à divers pamphlets antisémites qui s'en inspirent : Norman Cohn a étudié la génèse et la diffusion de ce faux dans son Histoire d'un mythe : la « conspiration » juive et les Protocoles des Sages de Sion (1960).

Source : Gérard NAHON, Encyclopédie Universalis

L’assassinat du président Kennedy


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Le 22 novembre 1963, le président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, meurt à Dallas sous les balles d’un tireur embusqué, Lee Harvey Oswald. Le tueur est appréhendé, mais il est abattu à bout portant par Jack Ruby, un tenancier de boîte de nuit qui a des accointances avec la Mafia. Cet enchaînement dramatique et les faiblesses d’une enquête peu fiable, suscitent d’emblée le doute. Oswald aurait été tué pour le faire taire, le rapport de la commission Warren aurait été bâclé délibérément afin de cacher un secret.  La thèse du complot s’oppose à la version officielle. Sont tour à tour accusés, la Mafia, Fidel Castro et même Lyndon Johnson, alors vice-président des Etats-Unis. À ce jour, la version officielle d’un tueur isolé est celle qui prévaut, mais les conspirationnistes n’ont pas pour autant baissé la garde.


Les attentats du 11 septembre 2001


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Dans les mois qui suivent les attentats du 11 septembre, les théories du complot fleurissent sur la Toile et répandent leur nocivité. Certains affirment que le gouvernement américain aurait été informé des attentats et n’aurait rien fait afin d’asseoir l’autorité du président des États-Unis. D’autres suggèrent que les gratte-ciels ont fait l’objet d’une démolition programmée. Une polémique est également née à propos du crash du vol 77 sur le Pentagone. Cette paranoïa collective rappelle celle qui a frappé les États-Unis au lendemain de l’attaque de Pearl Harbour le 7 décembre 1941. Certains ont accusé le président Roosevelt d’avoir délibérément ignoré les informations qui lui avaient été communiquées par les services secrets afin de précipiter son pays dans la guerre.

Les récents attentats en France, Charlie Hebdo, Hyper Cacher,  Bataclan, Nice…

À la suite des horreurs perpétrées lors de ces attentats, des théories complotistes ont vu le jour cherchant à nuire et à entretenir un climat de suspicion destiné à fragiliser le pays.


Un imaginaire contaminé  que l’on retrouve au cinéma 
et dans les séries.
(liste non exhaustive)

Films



The Manchurian Candidate (Un crime dans la tête), John Frankenheimer, 1962,
Seven Days in May (Sept jours en mai), John Frankenheimer, 1964.
The Parallax View (À cause d’un assassinat), Alan J. Pakula, 1974.
Three Days of the Condor (Les trois jours du Condor), Sydney Pollack, 1975.
JFK, Oliver Stone, 1991.
The Conspiracy Theory (Complots), Richard Donner, 1997.
The Manchurian Candidate (remake), Jonathan Demme, 2004.

Séries



La nation voit un héros
Elle voit une menace

The Americans, Joe Weisberg (ancien agent de la CIA)
Homeland, Howard Gordon et Alex Gansa, d’après la série israélienne, Hatufim.

Bibliographie

Voir lien ici


 Une citation en guise de conclusion…

« Quand des avions détournés par des fanatiques s’encastrent dans les gigantesques tours de New York, une seule pensée surgit d’emblée : ce n’est pas possible, c’est un film catastrophe ! On se croirait dans un blockbuster de Hollywood et l’on se surprend à espérer l’advenue providentielle d’un super héros… Telle est l’essence même du poison conspirationniste : il abolit la frontière qui sépare la fiction de la réalité. Il transmue le quotidien en un roman d’anticipation. Il reconstruit le réel, le réinvente, le façonne à sa guise comme le sculpteur modèle la glaise d’une statue. Le complotiste devient le personnage principal d’un film dont il a lui-même écrit le scénario, et qui se déroule dans la vie réelle. La vérité dépasse l’affliction… »

Source : C’est un complot ! Voyage dans la tête des conspirationnistes, Christophe Bourseiller, JCLattès, octobre 2016.


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